Jardin Fauve, histoire d'un motif

Quoi de plus remarquable qu'un imprimé ?

Je ne sais pas pour vous, mais lorsque je déambule dans les boutiques, c'est souvent ce qui va arrêter mon regard : avant la coupe, la ligne, le vêtement en lui-même, c'est un tissu qui va interrompre mes flâneries lèche-vitrine. Une couleur qui va m'interpeller du coin de l'œil, un motif que je vais vouloir observer de plus près. 

Par ailleurs, un imprimé exclusif est également le moyen d'identifier une marque. Et dans le monde de la couture, les éditeurs de tissu qui développent leurs propres motifs sont immédiatement repérables. Lorsque l'on regarde un vêtement cousu main, on va avant tout remarquer le motif du tissu, avant d'identifier le patron de couture choisi. Et j'adore cette idée d'un motif que les gens vont aimer porter, et qui va "signer" une allure, une tenue. Choisir un tissu pour son motif, c'est une façon de dire ce que l'on aime, d'affirmer son style.

Depuis que j'ai crée ma marque, j'ai toujours eu le souhait de parvenir à avoir une proposition créative globale. Cela passe d'abord par le travail sur le patron de couture, en recherchant pour chaque modèle à insuffler une note créative propre à Maison Fauve. Puis sur le design des enveloppes de nos patrons, afin que les patrons pochettes soient le prolongement de l'univers des collections. Il y a aussi toute la recherche autour de nos shootings : les lieux, les accessoires, le stylisme des tenues, la façon dont notre photographe va elle-même travailler ses photos afin de restituer l'atmosphère dont je souhaite imprégner la collection. Le travail sur les tissus est donc une juste continuité de cette démarche créative. 

Pour Fauvae Botanica, le motif Jardin Fauve a été l'aboutissement de plusieurs mois de travail pour créer un imprimé qui serait emblématique de la collection.

Comment créer un motif textile ?

La première étape c'est la recherche du dessin. L'univers Fauvae Botanica est empreint de l'ambiance des cabinets de curiosité, de l'esthétique victorienne un peu gothique et du jardin sauvage et onirique. Je souhaitais développer un motif floral avec une note "mystérieuse", voire vénéneuse. Je me suis inspirée des livres de gravure botanique, des planches anciennes que dessinaient les botanistes, pour travailler mon dessin. Il fallait que le trait mette en évidence les contours, les volumes, les reliefs car je ne voulais pas "remplir" mes fleurs de couleur. Le fond serait la seule couleur et les tracés des fleurs seraient mis en évidence par contraste.

Les autres contraintes que je me suis imposée ont été :

  • Que le tissu n'ait pas de "haut" et de "bas" afin de pouvoir placer ses pièces en optimisant la consommation du tissu

  • Que le motif ne se raccorde pas pour éviter aux couturières de gérer cette problématique à la découpe et l'assemblage des pièces

Pour les fleurs, j'ai choisi avec soin quelles seraient les espèces représentées. Ma préférence s'est portée sur le camélia du japon, la pivoine, l'anémone et l'immortelle.

Le camélia est une fleur d'hiver dont les pétales décrivent des courbes très serrées et des arrondis très doux (et je ne vais pas cacher ma passion pour Chanel, le clin d'oeil est bien trop évident ;)). 

L'anémone est une fleur très intéressante par le contraste entre son centre visuellement fort et chargé d'étamines, et ses pétales souples et légers.

La pivoine est une fleur spectaculaire par son volume, les découpes des pétales, et elle est aussi belle représentée épanouie qu'en bouton. C'est également la fleur que j'ai choisi pour embellir mon avant bras d'un grand tatouage à taille réelle de pivoines en noir et gris.

L'immortelle apporte une note plus végétale, et elle a pour moi une charge émotionnelle particulière car ma maman est corse et les immortelles ont l'odeur des vacances, du soleil, de la beauté sauvage des paysages corses.

Vient ensuite l'élément qui crée la surprise dans cette composition bucolique : la vipère, qui ondule et serpente pour apporter du dynamisme à l'ensemble. Cette vipère est elle aussi dessinée selon les codes du dessin naturaliste.

J'ai crée chaque fleur en plusieurs exemplaires, et dans différentes configurations. Puis je suis venue les mêler, les enchevêtrer, et y intégrer le serpent afin de créer une harmonie, et établir 2 motifs "de base".

Après des esquisses à la main sur papier, pour m'entraîner et affiner mon dessin, j'ai travaillé sur Procreate pour mettre sous format digital les dessins et sur Illustrator pour mettre en forme le motif global. S'en est suivie la partie la plus technique, qui est indispensable dans la création d'un design textile et qui a été la plus difficile pour moi : créer un motif au rapport/au raccord. Le motif doit avoir une cohérence dans la répétition et le saut de motif se répète sans créer de rupture entre les différents plans de travail, dans le sens de la hauteur et de la largeur. Ce qui est compliqué, c'est de gérer la répétition sans obtenir un effet bizarre et trop évident de multiplication très ordonnée, surtout sur un motif figuratif et non géométrique comme Jardin Fauve. J'ai réalisé de multiples tests et impressions papier pour valider les placements, l'échelle, la répétition. Il fallait que les motifs puissent facilement se retrouver d'une pièce de patron à l'autre, tout en restant aéré pour en faciliter la lecture.

Bien choisir son tissu

Je voulais que l'imprimé Jardin Fauve viennent embellir des pièces légères comme des robes, des blouses, des chemisiers. J'ai choisi une popeline de viscose : c'est un tissu souple, doux, facile à coudre, et dont l'opacité permet de réaliser toutes sortes de pièces. Elle drape de plus joliment, accentuant le côté "vivant" du dessin. La qualité de popeline avait déjà été validée lors de nos précédentes collections, je savais donc qu'il n'y aurait pas de souci au lavage, au repassage, et que le tissu se prêtait à bien des cousettes.

Faire... Et refaire !

J'ai transmis à notre imprimeur textile tous les éléments, et nous avons fait des premiers essais pour envisager le motif avec de la couleur sur la popeline de viscose. À réception, grosse désillusion : le dessin ressort mal, les tracés sont trop fins. L'échelle n'est pas formidable non plus, les motifs sont trop petits, trop ramassés, pas suffisamment lisibles. Mais cela m'a quand même permis de valider des choix de couleurs, et surtout de mettre en évidence les défauts de mes premiers dessins. J'ai donc intégralement redessiné chaque élément, retravaillé les placements, effectué de nouveaux tirages test sur papier… Et refait partir chez l'imprimeur textile en croisant les doigts pour que le motif soit aussi beau que je l'imagine. Et ce second essai fût le bon, je tenais mon motif signature !

Le nouvel imprimé est prêt, il va falloir choisir la gamme de couleur. Pour cela, j'ai établi un éventail de couleurs pour Fauvae Botanica. J'ai arrêté mon choix sur le Rouge Cherry, le Marron Glacé, et l'Acajou comme nouvelles couleurs à ajouter à notre gamme. Elles viennent en complément parfait du Sable, Kaki, Bleu Encre et le Vert Scarabée déjà présents dans notre gamme de tissu. Et surtout s'associent entre elles et avec les tissus que nous avions sourcés en deadstock et les jacquards que nous faisions tisser : les lainages Gris Orage et Noir Profond, les jacquards Botanica Ecru et Bleu Encre.

Une fois les couleurs décidées, j'ai effectué pour chaque matière une sélection de couleurs : le motif Jardin Fauve se décline ainsi en Rouge Cherry, Vert Scarabée, Bleu Encre et Sable.

Comment se crée une collection ?

Le travail sur la collection se construit autour d'une inspiration première (ici le jardin secret). J'imagine une garde robe qui va s'intégrer à cet univers. Je dessine des modèles, combine les vêtements entre eux jusqu'à arrêter les patrons qui construiront le vestiaire de la saison.

En parallèle, je travaille sur les choix de matières, la gamme de couleurs, les motifs et je réalise de premiers essais de tissus pour décider quels seront ceux qui seront les plus adaptés aux patrons. Lorsque les couleurs sont arrêtées, nous faisons produire la gamme de boutons assortis, nous commandons les fils de couture, et nous cousons alors les visuels qui seront présentés lors du shooting.

Le but de nos collections de tissus est de vous permettre de coudre, sans appréhender de vous tromper, les patrons de couture Maison Fauve. Et chaque saison, les tissus viennent se marier à nos modèles : la blouse/robe Soliflore, la version robe du patron Vipère et la blouse Cicadella se cousent joliment en popeline de viscose Jardin Fauve. 

La robe Vipère en Jardin Fauve Vert Scarabée - La robe Soliflore en Jardin Fauve Bleu Encre - La blouse Cicadella en Jardin Fauve Rouge Cherry

Une histoire de rencontre

La suite de cette histoire, c'est vous qui l'écrivez. Lorsque nous lançons nos collections, nous n'avons pas de certitude : les motifs vont-ils vous plaire, quelle couleur va le plus vous séduire, quelles cousettes vous imaginerez dans les nouveaux tissus ? 

Vous découvrir en tissu Maison Fauve, voir comment vous construisez votre vestiaire avec des pièces cousues mains dans nos tissus, c'est la plus jolie conclusion à donner à ce cheminement créatif : depuis les dessins que je crayonne jusqu'à vos plus beaux ouvrages, la boucle est bouclée !

Découvrir les tissus Jardin Fauve 

5 commentaires

Merci pour votre article
j’ai hâte de le découvrir le tissu au salon

clotilde 20 novembre 2023

Magnifique! J’ai adoré lire la réflexion et le travail pour l’élaboration de ces tissus!
Bravo!

CARILLON 13 novembre 2023

Je suis impressionnée par le travail réalisé et l’esthétisme du résultat. Ce tissu est d’une rare beauté! Bravo! Mais comment faire pour ne pas craquer…

Marion 13 novembre 2023

Merci pour cet article. C’était très intéressant de lire votre démarche créative.

bernard 13 novembre 2023

C’est passionnant de découvrir les dessous d’une collection. Maison Fauve est vraiment un concept créatif complet et Émilie une artiste aux multiples talents !

Merlault Edith 13 novembre 2023

Ecrire un commentaire

Tous les commentaires sont modérés avant d'être publiés